Papa Gentil et Muru

IMG_5412Mardi 8 juillet 2015.

Départ de Libreville vers 7h00. Arrivée au village de Doussala vers 22h00. Une très longue route qui nous fait passer par Lambaréné puis Mouila. Vers la fin, près de 4h de piste dont la dernière heure sur un chemin défoncé, on avance à 10 km/h. L’arrivée dans le village est étonnante, nous n’avons plus de réseau téléphone depuis longtemps et la dernière fois que l’on a vu de l’éclairage s’était une heure auparavant. Doussala est éclairée avec des lampadaires publics…. Au plein milieu de la forêt dans ce coin perdu du sud du Gabon. Des villageois hilares nous accueillent par des cris et salut avec une excitation non retenue vers notre chauffeur, Sosthene, qu’ils connaissent bien. Ils sont heureux de revoir la voiture du projet gorille, parce que dans le village, il n’y a pas de voiture, pas plus de moto. Avec la venue de la voiture, ils savent qu’ils pourront négocier quelques déplacements en ville pour acheter qui de la nourriture, qui de la bière pour alimenter le bar local, etc. Ces villageois qui nous accueillent sont égayés par la bière et le vin de palme.  Certains sont ivres.

A quelques dizaines de mètres du village se tient la station du projet financé par la coopération japonaise. Le bâtiment vient d’être inauguré le mois dernier. Un bâtiment pour la cuisine, les chambres et une grande salle de travail ou on prend les repas, un bâtiment pour les toilettes et les douches, le troisième est consacré au laboratoire de recherche, ce dernier est équipé, frigos, étuves, hotte a flux laminaire, microscope binoculaire et d’un autoclave pour stériliser le matériel dédié à la microbiologie. Les bâtiments ont des réserves d’eau de pluie, mais comme nous sommes en saison sèche, il n’y a pas d’eau. Sosthene ira nous en chercher le lendemain au village. Le groupe électrogène est en panne, nous nous éclairerons à l’aide de frontales et de lampes à pétrole.

Philippe, chercheur à IRET et chef de l’expédition nous présente madame Ondo, qui vit de manière temporaire ici, depuis plus de 10 ans et qui a initié l’habitation d’un groupe de gorilles, le groupe de Papa Gentil.

Comme il est tard, nous grignotons quelques restes de pain avec des sardines, les deux chercheurs de Dijon, François et Lucie et moi-même formons la partie européenne de cette expédition.

Jeudi 9 juillet il est 6h50 et Jonas et Samos seront nos deux pisteurs de la journée. Jonas piste depuis 10 ans, connaît parfaitement la forêt, sait quasiment d’instinct ou est le groupe de Papa Gentil.

On discute, on s’échauffe l’esprit en racontant que lors de la virée en forêt, nous serons en file indienne et qu’il ne faut pas être troisième, car si le groupe croise une vipère du Gabon, reptile indolent, on peut lui marcher dessus sans faire attention, une fois, deux fois, mais le troisième se fera mordre.. Et dans ce cas c’est la mort assurée… Le restant de la journée chacun ne peut s’empêcher de réfléchir à sa place dans la file… Même si c’est très rare de croiser une vipère du Gabon.  Nous quittons le centre vers 7h30 direction la rivière pour la traverser sur une pirogue. Les pirogues sont en bois d’okoumé ou de parasolier, deux essences qui on la flottabilité nécessaire. Beaucoup d’autres essences sont trop denses trop lourdes et ne flottent pas. ‘L’Okoumé est l’essence phare du Gabon, celle qui a permis la fabrication du contreplaqué.

Arrivé sur l’autre berge, la file indienne se met en branle, nous marchons pendant 20 minutes en zone de savane, en lisière de forêt. Puis nous Bifurquons après que Jonas qui précède tout le monde nous ait donné les instructions de ne plus parler, de marcher quand il marche, de s’arrêter lorsqu’il s’arrête. Après 30 minutes de marche dans des petits layons forestiers, Jonas s’arrête et se met à faire des claquements de langue « cloc cloc cloc ». Puis à imiter le bruit d’une longue flatulence, ceci à plusieurs reprises. Nous somme tout près de la troupe. Nous nous signalons par ces bruits, Jonas ajoute par moment un mmmrrmrrrmmrrrrr, le son du mâle dominant.

Nous observons la troupe environ 30 minutes, puis lorsqu’elle décide d’aller vers un autre endroit nous séparons en deux groupe, l’un  reste pour effectuer des prélèvement, l’autre va suivre la troupe.

L’objectif de la mission consiste à effectuer des prélèvements dans les crottes de gorilles afin d’étudier les entérobactéries et détecter les résistances aux antibiotiques.

La troupe se déplace rapidement mais Jonas est très efficace et ne perd pas la trace de notre troupe. Nous aurons le plaisir de la photographier en pleine lumière lorsqu’elle traversera une piste entre deux blocs de forêt.

Après notre retour en début d’après-midi, la journée se finira avec quelques « Regab » au bord de la rivière en attendant les éléphants qui ne décideront de ne pas venir.

Vendredi, nous filons vers le lieu où nous avons laissé papa gentil et sa troupe. Nous ne le retrouvons pas, nous décidons de nous séparer en deux groupes, après deux heures de marche entrecoupée de passage difficiles, où il faut se frayer le passage à coup de machette. Nous ne retrouverons la troupe que 4 heures plus tard. Nous marcherons à travers la forêt et des zones de savanes ou nous verrons des crottes et des restes de fruit. Les gorilles se tiennent en haut des arbres à plus de trente mètre de hauteur.

Retour vers 15 h nous sommes un peu exténués et nous nous régalons d’une Regab  sous les cris stridents des touracos.

Samedi sera mon dernier jour de mission. Nous ne verrons pas la troupe de Papa Gentil et nous comprenons vite pourquoi. Au bout d’une heure de marche nous apercevons Muru au sommet d’un grand arbre isolé de la savane. Muru est un mâle solitaire qui doit rêver de piquer les femelles de Papa Gentil. Ce dernier se cache donc avec sa troupe. Nous pensons n’être pas passés loin, mais la troupe s’est montrée très discrète. Nous avons pu collecter quelques crottes fraiches. Le soir, nous aurons le plaisir de voir Muru très près de nous sur la Berge du Moukalaba.

 

Dimanche, retour à Libreville, 12 heures de routes plus 3 heures d’embouteillage monstre arrivé à Libreville. Je ferme les yeux et je revois Papa Gentil et Muru ainsi que toutes les autres espèces de la faune et de la flore que nous avons croisé.

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